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| Un carrefour aux feux tricolore |
Pour assurer leur survie et parfois celle de leurs proches, des milliers de jeunes s’adonnent à la vente à la sauvette de petits articles manufacturés et autres dans les feux tricolores de Cotonou.
Carrefour UNAFRICA sur le boulevard St
Michel menant à Dantokpa le plus grand
marché du Bénin, il sonnait 11H30 ce mercredi. A cette heure de la
journée, la circulation sur les quatre
grands axes convergeant à ce grand carrefour était déjà celle des heures de
pointe. Debout sur l’estrade de la
police nationale installée au beau
milieu du carrefour, un agent sifflet à
la bouche, régule la circulation en lieu et place des feux tricolores en
panne. Au carrefour UNAFRICA comme à
tous les carrefours dotés de feux tricolores dans la ville de Cotonou, on ne
fait pas que circuler. On sait aussi s’arrêter. Surtout quand le feu passe au
rouge ou quand l’agent de la police vous fait signe de vous arrêter. C’est des
moments rêvés pour les vendeurs à la sauvette. Tel un essaim d’abeilles, ils
vous envahissent dès que vous marquez l’arrêt et vous proposent sans aucun
protocole divers articles qu’ils tiennent dans les mains ou sur la tête. Mon
véhicule était encore en mouvement quand l’un d’eux s’agrippa à ma portière
avec un lot de couvre-volant. Et la conversation s’engage:
‘’bonjour missié ! joli couvre
volant pour votre voiture à bon prix. Combien ?
5.000 francs seulement. Si tu acceptes
1000 F je prends. 1000F c’est
l’argent mais y a pas moyen prends ça à 3.000F. Moi j’ai 1.500F dernier prix.
On est le matin, envois l’argent’’.
Une
activité qui nourrit son homme…
Le jeune homme qui vient de me céder le
couvre-volant, s’appelle Karim. Il est nigérien. Il vit à Cotonou depuis dix
ans. Avant de devenir commerçant d’articles pour voitures, il a vendu des
cigarettes et c’est avec ses économies qu’il s’est lancé dans son nouveau
commerce grâce à un ami nigérian. Son petit commerce a permis à Karim de louer
une chambre entrée couché au quartier Zongo, d’entretenir sa femme et leurs
deux enfants restés à Zinder au Niger. Toujours avec son activité, Karim fait
des économies. ‘’Avec l’argent que je mets de côté, je pense rentrer au Niger
et monter une petite affaire pour mieux m’occuper de ma petite famille’’, se
confie-t-il.
Comme Karim, ils sont une centaine au
moins à s’adonner à la vente à la sauvette aux quatre feux du carrefour
UNAFRICA. Pour la plupart des jeunes,
cette activité constitue un moyen de lutter contre la misère ambiante dans
laquelle ils végètent. ‘’Je fréquentais au village mais à la mort de mon père,
il n’y avait personne pour me supporter. J’ai dû abandonner les classes pour
m’adonner à ce commerce qui non seulement me permet de subvenir à mes besoins
élémentaires mais aussi à ceux de ma mère malade au village’’, explique
Akotègnon, un natif de Zè dans le département de l’Atlantique.
Mariam elle, est originaire de Kandi
(Nord-Bénin). ‘’Je vis avec ma tante ici à Cotonou. Je suis élève en classe de
1ère. Depuis la mort de son mari, ma tante n’arrive plus à
satisfaire tous les besoins de la famille. Pour lui venir en aide, je profite
de mes heures libres et de mes jours de repos pour venir vendre des sachets
d’eau glacée à ce carrefour. C’est une activité rentable. On ne sort jamais
perdant et je me plais à le faire’’.
Longtemps restée une exclusivité des
étrangers, la vente à la sauvette est prise d’assaut ces dernières années par
les nationaux tenaillés par le chômage et la crise économique généralisée. Mais
la présence des étrangers notamment les Nigériens et les Nigérians est toujours
plus remarquable. Il est loisible de les reconnaître grâce à leur accent.
Une
activité florissante mais…
Si la vente à la sauvette permet à ceux
qui s’y adonnent de tirer leur pitance, il n’en demeure pas moins que c’est une
activité à risque. D’abord pour l’acheteur. Les
articles vendus coûtent souvent moins cher ce qui a priori renseigne sur
leur qualité. Ces articles n’offrent
aucune garantie à l’acheteur. Et il n’est pas rare de voir le bijou
acheté la veille refuser de fonctionner le lendemain. ‘’C’est le prix à payer’’,
admet jacques un habitué des lieux.
Ensuite pour le vendeur lui-même. La vente à la sauvette, s’exerçant en
pleine chaussée, expose les vendeurs aux accidents de la circulation. Il faut
ajouter à ceci les représailles dont ces vendeurs sont souvent l’objet de la
part des forces de l’ordre. Enfin pour l’Etat. Cette activité s’exerçant dans
l’informel, elle échappe au contrôle fiscal des services d’impôts et constitue
un grand manque à gagner pour l’Etat.
En dépit de son caractère informel et
des risques qu’elle comporte, la vente à la sauvette nourrit des milliers de
Béninois. Ces derniers disposant du minimum vital ne constituent plus un souci
majeur pour l’Etat. Il reste à souhaiter que l’activité soit mieux organisée
pour une meilleure sécurisation des acteurs et leur pleine participation à
l’œuvre de développement de notre
pays.

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